Lettre au Président du CD92
Nanterre, le 21 janvier 2021
Monsieur Le Président,
Nous tenons à vous remercier de nous recevoir ce jour. Nous prenons acte de votre volonté de vouloir travailler dans « la plus grande concertation » avec les représentants du personnel.
Tout d’abord, en réponse à votre courrier du 1er décembre 2020, nous tenons à vous apporter quelques précisions sur le préavis de grève déposé par notre organisation syndicale le 26 novembre dernier.
En effet, Il s’agissait d’un souhait de notre base syndicale de rejoindre la fédération santé de la CGT afin de participer à une mobilisation nationale le 3 décembre (impossible sans le dépôt d’un préavis de grève local).
Il n’en demeure pas moins que pour la CGT, une négociation réussie est toujours préférable à une grève, qui selon nous doit être le dernier recours.
Nous tenons à préciser qu’avant la réorganisation des changements du pôle solidarité étaient attendus par les agents, compte tenu notamment de la fermeture des foyers, des SAFASES, de la créations de SDAF mais surtout de la surcharge de travail qui allait de pair avec une réduction des effectifs.
L’état du pôle solidarité est préoccupant et plus particulièrement depuis deux ans, date de la réorganisation actuellement en place.
Aussi dans ce contexte des changements sont nécessaires et même attendus par les agents.
Cependant, la nouvelle réorganisation du pôle solidarité que nous connaissons actuellement s’est opérée de manière précipitée et brutale. Les agents n’y étaient pas préparés (y compris les responsables) et n’ont pu partager avec l’administration leur vision de cette organisation à laquelle ils étaient appelés à y prendre toute leur part.
Cette nouvelle organisation voit l’adoption de directions transversales et la création au sein des SST de trois unités pluridisciplinaires et polyvalentes.
Si la création des unités accueil, évaluation et accompagnement peut nous sembler intéressante, le manque de moyens humains et matériels déjà constatés antérieurement, ainsi que la précipitation dans la mise en œuvre de cette réorganisation à laquelle les agents n’étaient ni préparés ni associés, ont transformés les équipes pluridisciplinaires et polyvalentes en véritables équipes composées d’agents devenus eux-mêmes polyvalents sans véritable formation sur des sujets pourtant ô combien importants au sein d’un Département chef de file de l’action sociale.
C’est dans ce contexte que la fuite en avant des personnels s’est accentuée jusqu’à devenir massive (plus de 30% d’effectifs en moins ces dix-huit derniers mois rien que sur les missions de l’ASE), accentuant en cela le mal-être de nos collègues.
A titre d’exemple sur le SST 3 il n’y a plus qu’une puéricultrice contre 4 auparavant sur le site de Levallois et une seule également sur le site de Clichy contre 6 auparavant. La moitié des centres PMI sont aujourd’hui fermées sur le Département. Les sages-femmes, les médecins, ne reçoivent les résultats d’examens médicaux sans plus aucunes confidentialités, nous demandons des logiciels sécurisés, le rétablissement des lignes téléphoniques des fax pour tous les centres de pmi car les professionnels, depuis la mise en place de la GRC ,sont difficilement joignables par les partenaires extérieurs.
Le SST 11 est particulièrement sinistré avec 3 assistants sociaux contre 12 auparavant.
En amont de la réorganisation, le cadre de travail au sein des EDAS permettait de proposer une réception ainsi que des accompagnements de qualité. Les agents avaient la possibilité d’écouter, d’analyser et de mettre en place des actions dans un cadre serein.
Les agents des EDAS travaillaient en pluridisciplinarité chacun maitrisant ses compétences métiers, amenant ainsi à un travail d’équipe constructif et pertinent, où chacun dans l’exercice de ses missions apportait une expertise.
Chaque EDAS avait une connaissance accrue de sa/ses commune(s) et un important travail partenarial était mené dans l’intérêt des familles accompagnées. Ce travail, parfois difficile à mesurer de manière quantifiable de par sa nature humaine, était précieux au sein des territoires.
Ce sous-effectif chronique a pour effet de rendre les agents polyvalents au-delà de leur cadre d’emploi et de leur formation initiale. Ainsi, les moniteurs éducateurs se retrouvent à effectuer des missions d’assistants sociaux éducatif (donc hors cadre et à la limite de la légalité), des puéricultrices des missions d’éducateurs spécialisés (à notre sens hors cadre et de plus sans formation).
A cela s’ajoute la diminution drastique des cadres (dont certains ne connaissent pas les métiers de la protection de l’enfance) entrainant un manque de soutien des agents sur le terrain.
Il en découle pour les agents une véritable perte de sens et d’expertise qui s’en ressent sur la qualité au travail là où nos collègues exerçaient leurs missions avec leurs convictions et leurs valeurs, c’est à dire prévenir les risques médico-psycho-sociaux et protéger les Alto-séquanais les plus vulnérables.
Concernant les assistants familiaux, notre syndicat déplore le fait que cette catégorie de personnels ne soit pas considérée comme des agents à part entière du Conseil Départemental. En effet nombre d’entre d’eux n’ont pas été informés de la réorganisation du pôle solidarités ni même de celle de leur propre service.
Une délégation CGT d’assistants familiaux a été reçue par l’administration en octobre 2020. Nous avons exprimé notre volonté de travailler de manière commune sur l’élaboration d’un règlement afin de clarifier la place des assistants familiaux au sein du SDAF. Nous demandons à ce que les assistants familiaux soient considérés comme de véritable professionnels. Ils ont des droits qu’ils méritent de connaître. Les changements induits par la réorganisation amènent les assistants familiaux à outrepasser souvent leur prérogatives contractuelles.
De plus le Service Départemental de l’accueil familial ouvre de nouvelles unités à Antony et Villeneuve-la-Garenne sans moyens humains, ni matériel (salle de visite médiatisée sans mobilier).
Contrairement aux engagements de la DGA, Il manque plus de la moitié du personnel afin d’accompagner tant sur le plan administratif qu’éducatif les enfants confiés ainsi que leurs parents dans le cadre d’un accueil familial. Le projet de service n’a pas été travaillé en amont avec les professionnels (référents, Assistant familiaux, psychologues, administratifs).
Aucune information n’a été transmise de façon transparente tant sur cette réorganisation que sur les nouvelles modalités de la gestion des places disponibles aux différents professionnels (assistants familiaux, SST). Comment dans ces conditions les agents peuvent-ils donner du sens à leur travail et proposer un accompagnement de qualité aux enfants et leurs parents Alto-séquanais ?
Nos propositions :
– Nous demandons le recrutement massif de titulaires diplômés et formés (et non pas d’intérimaires) qui seront à même de prendre en charge les problématiques liées à la santé, à l’action sociale et à la protection de l’enfance afin de soulager et renforcer nos collègues encore présents ;
– Le recrutement au sein du département d’un médecin responsable du service PMI comme le prévoit l’article L2112-1 du code de la santé publique ;
– Le recrutement de médecins référents en protection de l’enfance tel que le prévoit l’article L221-2 du code de l’action sociale et de la famille ;
– Le recrutement de cadres techniques afin d’assurer un appui aux agents des SST. Leur nombre doit être adapté à la taille du territoire ;
– Le recrutement de postes de psychologues permettant un travail de soutien, d’étayage technique auprès des équipes, d’accompagnement des familles, dans la permanence et la continuité ;
– La réouverture des centres PMI de proximité. Une PMI n’est pas faite pour fermer mais pour prévenir les risques médico-psycho-sociaux en matière de maternité et de suivi des naissances et du développement des enfants en bas âge. La réouverture des PMI n’empêche en rien nos collègues d’être associés à l’ASE pour la prise en charge éducative des enfants protégés par le Département ;
– L’attractivité repose avant tout sur le fait que les agents retrouvent un sens à leurs missions et un sentiment d’utilité envers la population Alto-Séquanaise. C’est pourquoi nous pensons que les agents peuvent faire partie d’une équipe pluridisciplinaire tout en gardant leurs spécificités et exercer les missions pour lesquels ils sont formés. Il est donc primordial de veiller à la préservation des collègues encore présents afin qu’ils puissent y avoir une transmission de connaissances ; cela permettrait également de rompre la vague de départs incessante depuis 2019 ;
– De véritables formations en matière de protection de l’enfance, les formations CREAI de trois jours étant largement insuffisantes pour être préparés à des missions aussi importantes ;
– Le réexamen des situations d’agents ayant perdu leur NBI et la compensation de cette perte. En effet, les agents ont dû subir cette réorganisation tout en perdant pour un grand nombre leur NBI alors que pour beaucoup les conditions d’exercice de leurs missions sont restées inchangées quand elles ne se sont pas aggravées ;
– Nous demandons que les conditions de rémunération soient au plus près de la réalité de l’exercice du métier d’assistant familial, que ces conditions de rémunération soient ainsi revues et réévalués de façon idoine avec les délégations syndicales des assistants familiaux ;
– Nous demandons la création d’un poste d’assistant familial ressource qui aide au maillage des pratiques sur le territoire départemental, dans une conception non hiérarchique, avec un rôle de soutien des assistants familiaux et d’animation de réunions de services permettant l’émergence d’un esprit d’équipe propre au dispositif du placement familial ;
– La mise en place d’un système permettant d’avoir une visibilité sur le nombre de places disponibles dans les familles d’accueil et la remise en place de la commission d’appariement ;
– Nous demandons de réels moyens pour permettre la remise du contrat d’accueil à l’assistant familial dès l’accueil de l’enfant avec la mise en place d’un projet pour l’enfant comme le prévoit la loi.
Nous sommes, comme vous, attachés à la réussite du Département en matière de protection des personnes les plus vulnérables, particulièrement en cette période de crise sanitaire avec les conséquences qui en découlent.
C’est pourquoi nous souhaitons travailler avec vous, de manière régulière, dans le but d’établir un véritable dialogue social afin que nos collègues puissent exercer leurs missions dans de meilleures conditions et ainsi permettre que le Département, véritable échelon de proximité, retrouve son rôle que certains ont qualifié de « Département Providence » suite aux lois de décentralisation transférant des missions qui relevaient auparavant de l’État-Nation.